Les inondations récentes au Sénégal : la vulnérabilité entre politique, pauvreté et banalisation du risque
Les inondations
récentes au Sénégal : la vulnérabilité entre politique, pauvreté et banalisation
du risque
Mame Demba THIAM
Sigles et
abréviations
ARD : Agence Régionale de Développement
CADAK
– CAR : Entente des Communautés des
Agglomérations de Dakar (CADAK) et de Rufisque (CAR)
CNPLI : Cellule Nationale de Prévention et de Lutte contre
les Inondations
CONAGPI :
Commission Nationale de Gestion Prévisionnelle des Inondations
CRS : Christian Reliefs Services
CSA :
Commissariat à la Sécurité Alimentaire
CSPC : Commission Supérieure de la Protection
Civile
DEE : Direction de l’Enseignement Elémentaire
DGPRE: Direction de la Gestion et de la
Planification des Ressources en Eau
DPC :
Direction de la Protection Civile
DPRE : Direction de la
Planification et de la Réforme de l’Education
DSCOS :
Direction de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation des Sols
DSRP : Document Stratégique de la Réduction de la
Pauvreté
FDV : Fondation Droit à la Ville
FOREF : Fonds de Restructuration et
Régulation foncière
FSN : Le Fonds de Solidarité Nationale
GFDRR :
Global Facility for Disaster Reduction and Recovery [Dispositif mondial de réduction des effets des catastrophes et de
relèvement]
GIE :
Groupements d’Intérêts Economiques du drainage.
GNSP :
Groupement National des Sapeurs-Pompiers
GTZ :
Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit [Coopération technique
allemande]
HASSMAR :
Haute Autorité chargée de la coordination de la Sécurité maritime, la Sureté
maritime, et de protection de l’environnement Marin
IFRC : Fédération Internationale des sociétés de la Croix
Rouge et du Croissant Rouge
IRA: Infections
Respiratoires Aigues
OCHA : Office for the Coordination of
Humanitarian Affairs [Bureau des Nations Unies pour la Coordination des
Affaires Humanitaires]
OHLM : Office des Habitations à Loyer
Modéré
OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement
OMS : Organisation mondiale de Santé
ONAS : Office National de l’Assainissement du
Sénégal
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ORSEC : Organisation des Secours
PAM : Programme Alimentaire Mondial
PANA : Plan
d’Action National d’Adaptation
PANNA : Plan d’Action National pour l’Adaptation aux
changements climatiques
PAQPUD
PDA :
Plan Directeur d’Assainissement
PDNA : Evaluation
des dommages, pertes et besoins post désastres
PEPAM
PIB : Produit Intérieur Brut
PNPRRMC : Plateforme Nationale pour la Prévention et
la Réduction des ???
PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
PRCPE :
Projet de Construction et de Réhabilitation du Patrimoine de l’Etat
PRSQ :
Politique de Restructuration et Régulation des Quartiers Spontanés
SAP :
Système d’Alerte Précoce
SENELEC : Société
Nationale d’Electricité
SICAP : Société Immobilière du Cap
Vert
SONES : Société Nationale des Eaux du Sénégal
Résumé
Lorsque le
premier régime libéral s’installe en mars 2000, le phénomène des inondations au
Sénégal est l’un des points chauds qui préoccupent les acteurs de l’alternance
démocratique[1].
C’est un slogan de campagne électorale qui a fortement marqué les esprits de
l’époque jusqu’à paraître comme une sorte de joker politique ayant contribué à
affaiblir le système socialiste (Fall 1999). Un programme test est lancé et la
région de Saint-Louis et quelques villes de l’intérieur préoccupent plus. A la
veille de la fin de règne, Dakar et sa banlieue ne sont plus à prendre en
charge par l’Etat et ses démembrements, mais « les collectivités locales
seront accompagnées en vue de soulager les populations vivant dans les zones
inondables »[2].
La prospective politique a tellement occupé le champ des réponses étatiques en
termes d’assainissement (PAQPUD, le PEPAM) que les réponses, en vue d’éradiquer
le syndrome, ne sont vues qu’en filigrane de promesses (Thiam 2011).
Des études ont
été suffisamment conduites par des experts de renom (Sénégal-BM 2010).
Malheureusement, les conclusions n’insistent que sur les besoins postérieurs à
la catastrophe. D’autres démarches de formations appuyées par des partenaires
internationaux ont listé les étapes de prise en charge en relation avec
l’alerte rapide et l’organisation des secours (DPC 2009). Tout est dans une
sorte d’habitude réactive, de banalisation et moins prospective). On sait ce
qu’il y a lieu de faire en cas de catastrophe avec des moyens inégalement
répartis à travers le pays suivant une coordination assurée par la Direction
des Opérations Stratégiques logée au Ministère de l’Intérieur et en rapport
étroit avec la Défense Civile qui est une des attributions de la Direction de
la Protection Civile. Le schéma de solution durable, évoqué en ritournelle par
les différents gouvernements au cours de la décennie passée, fait appel à un
programme directeur élaboré en 1994 et qui cherche certainement à opérer le
maillage territorial en vue de régler la grande problématique de
l’assainissement au Sénégal. Les moyens institutionnels n’ont jamais été
ajustés à l’échelle dynamique de la catastrophe dont les tentacules ont fini
d’ourler le territoire. De 2000 à 2012, les acteurs gouvernementaux sont passés
du tâtonnement politique au bricolage technique. Ce qui a précipité les
victimes des inondations dans une désillusion sociale inédite.
Introduction
Depuis
environ un quart de siècle - l’annonce prodromique est enregistrée en 1989 - un
rendez-vous avec le phénomène catastrophique des inondations est inscrit, comme événement tragique, dans
l’agenda national. La saison des pluies, connue sous l’appellation populaire
d’hivernage, est une saison de malheurs avec son cortège de drames. «Le bonheur
des uns faisant le malheur des autres». D’un point de vue historique, cette
saison a toujours été attendue par une agriculture sous-pluie. Lorsque la
pluviosité a connu une péjoration drastique ayant affecté la régularité des
apports jusqu’à conduire à un épisode sec, certains l’ont rapproché d’un cycle
de sécheresse sahélienne (Lake 1997). La réduction de la pluviométrie a
commencé en 1968. C’est ce qui introduit les fameux programmes de lutte contre
la sécheresse qui voient naître le Comité Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse
au Sahel. Les migrations saccadées qui en résultent vont, en même temps, déstructurer
les composantes relationnelles villes-campagnes et introduire ce mythique
« exode rural ». En effet, des flux migratoires lités vont
s’organiser. Ils sont proches d’un écheveau tourmenté d’une pelote difficile à
démêler, tellement l’enchevêtrement comprend des nœuds inextricables. C’est
dans ce contexte complexe que la confusion va se révéler, par les apports
pluviométriques qui vont stagner en fonction du temps et des environnements. En
fin de compte, les espaces ont été dichotomisés et, par analogie, les
inondations sont urbaines ou rurales.
Les
spécialistes du climat ont montré, à l’aide de statistiques historiques, qu’il
ne s’agit pas d’un retour d’une pluviométrie à la Normale et les totaux annuels
qui sont atteints sont loin des valeurs habituelles ou moyennes (Sagna 2009).
Les apports pluvieux peuvent être plus importants ou moindre à l’avenir. Cette
hypothèque a été désignée, par ailleurs comme un syndrome complexe (IHDP 1999).
De nos jours, le déficit pluviométrique affecte toujours le Sahel. Ainsi, la causalité des
inondations, au-delà des faits cosmiques, est intégrée au changement global de
l’environnement, aux changements climatiques et à de nombreux autres facteurs
sur lesquels notre travail n’insiste pas et, qui ont des rapports étroits avec la
démographie, les habitats et les activités.
Cependant,
notre étude porte sur l’occurrence d’un phénomène qui est attendu comme un fait
récurrent et qui n’est pas un cycle. Il s’agit plus d’un « complex system »
(IHDP 1999). En effet, c’est un fait physique qui s’est substitué en drame
social. Et de ce point de vue, le phénomène des inondations au Sénégal est un
révélateur des inégalités environnementales et sociales. Car les sites qui sont
prédisposés à la catastrophe, dans les villes, sont assimilés aux banlieues. Et
du coup, les facteurs sont tissés comme des fils arachnéens dans un maillage
socio-spatial qui intègre la catastrophe dans la complexité dialogique
environnements – communautés ou (habitats-infrastructures) versus (populations
et activités). Lorsqu’on y ajoute l’organisation administrative d’une
territorialité qui se cherche depuis l’indépendance, la complexité rajoute à la
confusion la grande question de la gouvernance et de la gestion de la
catastrophe (réformes territoriales de 1976, 1981, en plus des délégations
spéciales). Le statut économique, organisé en échelle de vulnérabilité - depuis
l’Etat jusqu’au citoyen – ramène en surface une interpellation de justice,
d’équité, d’égalité et de démocratie face à la catastrophe. La grande question
qui revient en refrain est : « qui gère quoi en cas de
catastrophe et, particulièrement, en cas d’inondation ? » Au Sénégal, la
structure des habitats et des revenus n’influence, en aucune manière, celle des
coûts et des pertes attachés à la catastrophe (Sénégal-BM 2010).
La
situation vécue entre 2000 et 2011 est particulière selon une chronologie qui
n’est pas linéaire. En effet, des phases sont enregistrées au rythme des
saisons. En cherchant les singularités, on distingue quelques phases majeures :
-
La
période d’euphorie et d’espérance (2000-2004)
qui montre un tâtonnement politique dans la gestion des inondations.
-
L’explosion de l’année 2005. Elle marque le
déplacement des populations et la naissance de l’ère « Jaxaay[3] »,
le report, avec couplage, des élections législatives et présidentielles. Elle
est suivie d’une pseudo-accalmie en 2007. L’hivernage 2008 correspond à la grande
promenade du Président de la République dans les eaux de la banlieue avec le
premier silence assourdissant qui tonne encore comme un aveu d’impuissance (son
2ème grand silence est postérieur au lendemain des évènements du 23
juin 2011).
-
Le
laminage politique au grand test des
élections locales de mars 2009 est un avertissement pour les joutes futures et
cela, deux saisons pluvieuses avant la fin de règne du régime libéral.
-
L’année
2010 symbolise l’ère Diamniadio-Tivaouane
Peul, ou l’arlésienne des maisons préfabriquées, un autre programme de
logement annoncé et jamais concrétisé.
-
La
dernière saison des pluies sous le règne d’Abdoulaye Wade, en 2011, montre une gestion
parcimonieuse par les comités locaux de
lutte contre les inondations et l’entrée en matière du bricolage de la
canalisation par des entreprises ingénieuses et, avec des matériaux de seconde
main comprenant entre autres, les anciennes buses démontées de la conduite du
forage de Thiaroye.
Une
grille de lecture, appliquée aux différentes déclarations de politique générale
prononcées par les Premiers Ministres entre 2000 et 2009, permet de cocher les
termes clefs qui nous servent d’éléments explicatifs. Le repérage textuel
indique l’importance portée à l’assainissement, l’évacuation des eaux usées ou
pluviales, le phénomène des bidonvilles, de la vulnérabilité, la pauvreté des
personnes en situation de risque et de menace. Les différentes réponses susceptibles
d’être apportées par les politiques élaborées insistent sur des propos
politiques, politiciens, techniques, technocratiques qui occultent délibérément
les mots attachés à la catastrophe. En effet, Moustapha Sall et Souleymane
Ndéné Ndiaye prononcent le mot inondation (4 fois) dans leurs différents
discours. Alors que les autres n’en font pas cas. La technique utilisée insiste
singulièrement sur l’habitat irrégulier et la grande problématique de
l’assainissement urbain et rural (Soumaré 2007 ; Ndiaye 2009). Une
attention particulière est portée aux mots sensibles tels que le sinistre ou le
sinistré. Alors que le mot pauvre ou pauvreté revient dans tous les discours.
En analysant la date du discours et les événements « inondation » et
compétitifs « élection présidentielle ou législative » qui se seraient
déroulés antérieurement à la déclaration de politique générale, on comprend
mieux la portée d’insistance politicienne attachée à la catastrophe (Niass
2000) ou technique (Soumaré 2007). La pauvreté (23 fois par Niass 2000)
remporte la palme sur l’assainissement (16 fois par Soumaré 2007), cf. infra les phases signalées.
Premier Ministre
|
Occurrence des
Mots-clefs
|
Assainissement
|
Inondation
|
Evacuation des eaux
|
Pauvre ou Pauvreté
|
Sinistre ou Sinistré
|
Eaux usées
|
Date
|
Moustapha Niass (Av.
2000-Mars 2001)
|
3
|
4
|
1
|
23
|
1
|
2
|
20.07.2000
|
|
Mame Madior Boye
(mars 2001-novembre 2002)
|
|
|
|
|
|
|
1.8.2001
|
|
Idrissa Seck (nov.
2002-av. 2004)
|
1
|
0
|
0
|
4
|
0
|
0
|
3.2.2003
|
|
Macky Sall (Av.
2004-Juin 2007)
|
2
|
0
|
0
|
3
|
0
|
2
|
20.10.2004
|
|
Cheikh Hadjibou
Soumaré (Juin 2007-Av. 2009)
|
16
|
0
|
1
|
9
|
2
|
1
|
17.09.2007
|
|
Souleymane Ndéné
Ndiaye (Avril 2009-Mars 2012)
|
6
|
4
|
1
|
5
|
0
|
1
|
23.07.2009
|
Tableau
1- Occurrence des mots-clefs extraits des différentes déclarations de politique
générale présentées par les PM de 2000 à 2009.
Entre
la position culturelle et la situation économique, il émerge comme une sorte de
banalisation du risque et de la vulnérabilité face à la catastrophe. Il n’est
pas question de gouvernance de la catastrophe. La question politique apparaît
plutôt comme un tâtonnement. Aucune politique d’anticipation n’a été élaborée
depuis que le Sénégal est indépendant. Des connaissances scientifiques ont été
tellement rassemblées par différentes études qui proposent rarement des
solutions durables. Des faits d’adaptation que, nous désignons comme des
« adaptabilités » situationnelles ou contextuelles, peuvent être
évoqués pour la période choisie. En effet, des milliers de personnes cohabitent
avec les eaux depuis des décennies, suivant des stratégies plus individuelles
que communautaires.
Le
squat des écoles a été un fait qui a hypothéqué certaines rentrées scolaires (en
2000 à Kaolack, Dakar, Saint-Louis, en 2005 à Dakar et Kaolack). En 2005, il
n’était pas possible de faire autrement que de cohabiter avec les sinistrés qui
occupaient les établissements scolaires. En 2008, au plus profond d’une
saison pluvieuse, surtout à Dakar et Saint-Louis, le Ministre de l’éducation
nationale avait fermement recommandé de ne pas héberger les victimes des
inondations dans les écoles publiques.
Les
écoles inondées permettent de soulever une question largement débattue quand la
prise en charge a occupé le cœur d’un débat équivoque en 2009 surtout, entre
les tenants du pouvoir central qui venaient de perdre les élections locales et
l’opposition qui venaient de remporter les élections locales à la tête d’une
coalition dénommée « Benno Siggil Senegal ». Toutes sortes
d’arguments ont été brandies. Les positions de force et de faiblesse ont poussé
les exégètes de divers textes jusqu’à convoquer des alinéas qui venaient juste
en appoint aux divers codes : de l’eau, des collectivités locales, de
l’habitat, de l’urbanisme ou de l’assainissement.
L’intérêt
discursif permet de cerner la vacuité des textes de loi que l’on adapte en
fonction de la position de faiblesse ou de force politique que l’on occupe (Abdoulaye Wade en 1999, Djibo Kâ, Moustapha Niass en 2000 – cf. sa déclaration de politique générale,
Seydou Sy Sall en 2001, Sitor Ndour
Conseiller spécial du Président de la République, Souleymane Ndéné Ndiaye Premier Ministre, Cheikh Guèye Adjoint au Maire de Dakar, El Hadj Malick Gakou en tant que Président du Conseil Régional de
la Ville de Dakar) ont tous tenu des propos variables en fonctions des
positions politiques de pouvoir qu’ils occupaient..
Une
sorte de dispersion juridique est notée entre les compétences transférées et
les attributions de l’Etat à propos de gestion des catastrophes liées aux eaux.
Une structure dénommée « Office
National de l’Assainissement du Sénégal », (ONAS), est exemptée de compétences dans l’évacuation des eaux de
pluie (voir le PROGEP à Dakar en 2009 et le Plan Directeur de Drainage des Eaux
Pluviales). La question approfondie plonge les préoccupations de ceux qui réfléchissent
finalement dans des considérations sémantiques et conceptuelles qui débouchent
sur des schèmes paradigmatiques qui n’apportent rien comme solutions. Car, il
ne s’agit pas de débats juridique, politique ou épistémique, mais d’apporter des
réponses durables à une demande sociale fortement populaire. Les
interpellations sont sérieuses. Aux plans socioéconomiques et politiques, tout
y passe. L’Etat a tenté des solutions interventionnistes qui ont baissé d’intensité,
année après année. Des situations sont apparues en urgence nationale comme
c’est le cas en 2005 jusqu’à bouleverser le calendrier électoral. Pendant
longtemps, on a cherché à montrer que les indicateurs macroéconomiques
n’étaient pas affectés par cette catastrophe (Sénégal-BM 2010), mais au regard
du nombre de victimes et des impacts socioéconomiques (à l’échelle
microéconomique) échelonnés dans le temps, on mesure la portée
d’appauvrissement qu’exerce ce phénomène et l’aggravation de la vulnérabilité
au sein des communautés menacées ou affectées.
Rappel du
contexte politique, 1999-2000
En
1999, la campagne électorale pour l’élection présidentielle s’est déroulée à
une période d’inondation mémorable au Sénégal. En effet durant l’été 1999, la
catastrophe a affecté la vallée du fleuve Sénégal.
De nombreux villages sont déplacés. Le plus célèbre est celui de Donaye qui
s’est installé à Tarédji. Saint-Louis
a vécu une saison apocalyptique. Kaolack
et d’autres régions ont été affectés de manière dramatique. La banlieue de
Dakar a connu un record de quartiers inondés. Si bien que les inondations sont
entrées comme slogan dans les thèmes de la campagne électorale. Les promesses
avaient indexé le gouvernement socialiste comme incompétent (Abdoulaye Wade à Saint-Louis, Djibo Kâ au Gandiolais, Moustapha Niass a offert plusieurs dons, etc.). Et l’eau des
inondations a intégré comme un Joker
la scène politique. L’apport de secours en 1999 se résumait à quelques kilos de
riz par famille et des ustensiles accompagnés de détergent ou savon, etc. Certaines
sources ont souvent évoqué quelques malversations dans la distribution des
secours aux nécessiteux et les informations relayées par la presse écrite (cas
à Kaolack et Vélingara).
En
mars 2000, le changement, et quatre ministres de l’alternance visitent la
banlieue de Dakar. Le Premier Ministre Moustapha
Niass promet une anticipation à l’aide d’une cartographie des zones
affectées (cf. les propos du Premier Ministre
au conseil Interministériel consacré à la question et sa déclaration de
politique générale). Les jeunes de la banlieue dakaroise organisent une marche
d’anticipation sur l’avenue Malick Sy (Oumar Khassimou Dia et Cheikh Sarr
de Niax Djerinu sont en tête). A Kaolack, une marche est organisée par
les victimes potentielles des inondations. Partout, l’alternance politique suscite
des espoirs. On déroule une promesse de restructuration des quartiers inondés,
avec la collaboration d’une fondation dénommée ‘’Droit à la Ville’’ ou FDV qui
propose un bail de 50 ans aux propriétaires des terrains dans certaines
communes d’arrondissement. Les Ongs sont visibles sur le terrain et la
coopération allemande active son réseau pour l’électrification en s’appuyant
sur la GTZ. L’alimentation en
eau et la régularisation de l’assiette
foncière des quartiers flottants nés du processus dit spontané sont les deux
mesures d’accompagnement qui sont préconisées.
C’est
dans ce contexte dichotomique, entre inondations urbaines et rurales, que se
déroule le début de l’alternance politique avec le premier régime libéral. Le
régime socialiste estimait à 17 milliards la somme nécessaire pour lutter
contre les inondations (Almamy Mathew
Fall mettait en garde ses camarades de parti sur la possibilité
d’affaiblissement que pouvait subir Abdou Diouf avec la catastrophe des
inondations). Abdou Diouf promit de
mettre sur la table 3,5 milliards à tirer d’un fonds (virtuel) des calamités et
de solliciter les bailleurs internationaux en vue de la réalisation du plan
directeur de l’assainissement (1994). Ces derniers ne réagiront pas. C’est dans
ce contexte difficile que le pouvoir libéral, à ses débuts, trouve le champ
complexe du phénomène des inondations.
Le territoire des inégalités
«environnementales et sociales»
Il s’agit d’un
rappel du contexte spatial et climatique avec une causalité difficile à
élaborer suivant l’échelle nationale. En effet, le Sénégal est un pays sahélien
qui appartient à un bassin sédimentaire faiblement diversifié par un écoulement
permanent. Mais, en utilisant le drainage comme clef de lecture, il se
caractérise, aussi, par une répartition topographique généralement monotone et
fortement détaillée à l’échelle micro-topographique. Lorsqu’on tente de
débrouiller toutes les unités physiographiques, on obtient une structuration par
des pentes faibles qui sont désorganisées, pour plusieurs raisons, notamment
anthropiques. Il se développe, à cet effet, des phénomènes de stagnation
habituellement désignées par le terme « inondations », surtout quand
les habitats sont affectés, de même que le confort communautaire (routes et autres
infrastructures). Les eaux qui stagnent, année après année, finissent par
donner une coalescence et des perturbations répétitives. Dans certains sites,
une recomposition d’un drainage ancien est notée. Rien d’extraordinaire ne
s’est déroulé que la mise au jour de mares, de marigots et de drains
intermittents disparus au bénéfice de la brève période sèche qu’a connue le
pays.
Les villes et leur banlieue (quartiers
innombrables et aire des insécurités)
A l’image de
Dakar, ville-capitale, qui voit se constituer autour de Pikine - une banlieue préfabriquée à partir de 1952 - une constellation
de greffons hybrides qui tournent en satellites avec un statut de « ni
ville, ni campagne » (Thiam 2011). Il s’agit d’une morphologie qui
s’organise en dessinant aussi une structure urbaine périphérique,
officiellement désignée par d’autres termes que l’on confond avec la
‘’banlieue’’ (bidonville, habitat spontané, etc.). En questionnant ces
appellations, on se rend compte d’un parcours sémantique qui a son pas de temps,
d’espace, de démographie, de réalités économiques, sociales et même
d’environnements physiques, quel que soit l’exemple de ville choisie. Ces
environnements, dans le cas de Dakar, et ailleurs, sont des aires non aedificandi, a priori, et d’un point
de vue naturel ou juridique. Pourtant,
elles forment les parties les plus peuplées du pays en termes de densités
absolues et relatives. Partout au Sénégal, les statuts fonciers les plus
complexes sont intimement retrouvés dans les aires de banlieues. Les tentatives
d’organisation administrative ont rendu plus confus les statuts fonciers et les
statuts administratifs. En théorisant l’exode rural, on a cru partout que les
occupations étaient irrégulières. Et de quartiers flottants ou
bidonvilles, on est passé à des régularisations officieuses. Tout est assis
autour des délégués de quartiers, des chefs de quartiers et de la
communalisation. L’administration territoriale, dans des réformes de ‘’distanciation’’
ou sur le papier, a procédé à des découpages à l’emporte-pièce. A partir des
statuts villageois, des quartiers ‘’urbains’’ vont être fabriqués par
reconnaissance tacite de l’autorité prônant le prolongement de l’Etat. Les
maires des communes vont être élus suivant ce découpage qui n’est pas
officiellement admis au point de vue foncier et officieusement reconnu par la
territorialisation. Les nouvelles localités de la banlieue de Dakar vont
s’accrocher aux statuts des villages traditionnels. Dans d’autres villes, comme
Kaolack, Saint-Louis, Thiès, Diourbel, etc., le même processus est enregistré.
Des quartiers vont être créés de toutes pièces. Certains ont accueilli
de nombreux migrants ayant délaissé l’agriculture sous-pluie, et d’autres, au
bénéfice des déguerpissements urbains, sont le fait de transfert de populations
depuis les zones proches du plateau à Dakar. Ces nouveaux quartiers ont
repris les mêmes noms que ceux de leur quartier d’origine ou des noms
qui suscitent l’espoir d’y rester de manière durable. Les villes qui se
constituent vont être rattrapées par l’adduction en eau et l’électrification.
Ce qui participe d’une sorte de légitimation de fait. En visitant la taille des
parcelles, on comprend aisément la restitution du contour de ce parcellaire
agricole de l’époque anté-sécheresse. Une substitution totale des activités
agricoles s’opère par l’occupation d’un habitat dit en dur, réalisé le plus
souvent avec des matériaux hétéroclites (portes, fenêtres, la baraque est
revenue avec la tôle ondulée ou le zinc). Et du coup, chaque maison, d’un quartier,
révèle, par rapport aux autres, par les matériaux de construction et
l’apparence, toutes les inégalités sociales. Dans leur totalité, les quartiers
des banlieues montrent diversement les inégalités environnementales. Au
bénéfice de la sécheresse, la progression de l’occupation s’effectue au
détriment des formations sableuses. Les dunes sont terrassées. On opère un
comblement des parties déprimées. Les voies d’eau sont détournées. Généralement,
peu d’effort est nécessaire, en raison d’une pluviométrie déficitaire.
L’attrait par les coûts faibles, pour des surfaces qui prolongent la grande
ville, finit par organiser toute une identité attachée à une socio-économie de
la banlieue (cf. le banlieusard, Wone 1999). Les activités et les revenus des
populations qui occupent les sites les plus affectés montrent, de manière
générale et structurelle, comment la distribution des conditions
environnementales se calque comme un transparent sur les niveaux de pauvreté
(Sagna 2009 + figure). Tout est hiérarchisé. On habite comme on peut, en
fonction des revenus, et on survit face à la catastrophe, aussi, en fonction de
son statut. Les stratégies, par échelles et degrés, vont être lues latéralement
et en hauteur à l’aide de l’habitat. Des constructions en hauteur vont pousser
pour répondre aux contraintes des eaux stagnantes, à défaut de remblaiement
horizontal qui finissent par révéler la fugacité des solutions de première
étape au Rez-de-Chaussée.
Dans les quartiers
dits réguliers, les systèmes d’assainissement vont être obsolètes par un
dimensionnement qui a été dépassé par les démographies et les modifications des
constructions qui s’étalaient horizontalement et qui ont fini par se poursuivre
en hauteur avec des immeubles (cités OHLM et SICAP). Aujourd’hui, le fait des
stagnations et ralentissements des évacuations des eaux dans les villes obéit à
des contraintes de saturation évidente au plan humain et spatial.
Il
est difficile de résumer les problèmes qui résultent, comme conséquences, du
phénomène des inondations. Parfois, ils sont en étroite relations de cause à
effet, et constituent un sujet mal abordé, voire un problème sans solution. Il
s’agit des techniques de survie qui utilisent les ordures par exemple, de la
pauvreté et de l’insécurité alimentaire, du niveau d’information résultant de
la faiblesse du taux de scolarisation à long terme. Il s’y ajoute l’absence de
structuration ou d’organisation spatiale avec un minimum de sécurité. La
position desdits quartiers sur les marges de grandes villes les confine
dans une marginalisation que les conditions environnementales, en processus
actifs, exacerbent en confirmant le statut de « marginaux », (ici, il
ne s’agit pas du propos péjoratif, mais de la position périphérique).
La dernière
décennie 2001-2011 a révélé un distinguo net entre la ville capitale du Sénégal
représentée par Dakar, son prolongement de banlieue et les autres villes
secondaires (Saint-Louis, Kaolack, Mbirkilane, Mbour, Bambey) qui n’ont jamais
bénéficié de la même attention en cas d’inondation. Le déséquilibre dans les
insuffisances d’assistance a suivi la hiérarchisation administrative au prorata des moyens de se faire
entendre en cas de sinistre. Le cas de Saint-Louis peut être évoqué au moment
où le canal de délestage a été ouvert sur la Flèche sableuse de la Langue de
Barbarie (2002). La ville avait connu une alerte aussi en 1994. La
structuration du Plan Orsec justifie, par ailleurs, le manque de considération,
pour ainsi dire, pour les villes secondaires. En effet, la DPC actionne le
déroulement du Plan Orsec suivant une graduation nationale, régionale et
départementale. Et, par rapport aux moyens qui entrent en action, relativement
à la logistique des Sapeurs-pompiers qui sont les plus actifs, et l’administration
territoriale, toutes les insuffisances en matériel pour faire face aux
inondations sont mises à nue. Ceux qui luttent contre les inondations dans les
villes n’ont que les moyens des soldats du feu qui, disons-le clairement, n’ont
pas les moyens pour faire face aux eaux des inondations. En effet, la
catastrophe des inondations a montré le manque de moyens du ministère de
l’Intérieur et des corps qui doivent aider à faire face. L’obligation de
réserve attachée à la fonction ou la profession n’a pas empêché un de ses Chef,
le Colonel O. Ouattara à demander plus de moyens techniques lors du Conseil
Interministériel en 2009, ou plus de ressources financières et plus de célérité
dans les démarches d’assistance en cas de catastrophe. La stratégie des
motopompes est une solution technique adoptée en milieu urbain. Elle a montré
ses limites. Le Sapeur et le Pompier doivent inspirer un autre corps spécialisé
dans la lutte contre les inondations. Le maillage territorial montre des nœuds
de faiblesse dans la distribution des casernes de sapeurs-pompiers. Sur 1500
sapeurs-pompiers engagés dans la lutte des inondations lors du déclenchement du
plan Orsec en 2009, les 500 seulement étaient engagés dans les régions autres
que celle de Dakar. Les insuffisances concernent les autres acteurs qui
interviennent en soutien aux sapeurs-pompiers. Il s’agit de la
DPC et de l’ONAS dont les attributions excluent souvent les eaux pluviales. Ce
qui a montré en 2010 l’apparition du Projet de Gestion des Eaux Pluviales
(Progep) dans la région de Dakar. Certaines dispositions du déclenchement du
Plan Orsec par décret, autorisent la DPC à
réquisitionner les moyens nationaux privés.[4]
Les campagnes et leur inondation : terres de
culture et paupérisation rurale
Au
Sénégal, le phénomène des inondations récentes est assimilé à un fait urbain.
Cela est expliqué par deux points importants : un habitat dense et
une forte démographie urbaine ; une
diffusion par les média qui relaient rapidement la situation de catastrophe qui
affecte le milieu urbain à travers les réseaux d’influence et d’intermédiation
politique.
Un
bilan des zones inondées montrent que l’habitat rural est plus affecté par la
pluviosité que par le phénomène de la stagnation des eaux. En effet, en milieu
rural, un habitat de type plus précaire domine et reste fortement exposé aux
intempéries notamment pluvieuses. La case traditionnelle est retrouvée et le
bâti en banco (photo à Birkilane, une commune urbaine à peine sortie de sa
ruralité et de Donaye). Dans le cas des villages de bordure du fleuve Sénégal,
le type d’inondation continentale couramment enregistré a révélé des
déplacements de villages entiers suivant une dynamique de fonctionnement
migratoire fort ancien. Cette mobilité montre les rapports de balancement entre
des villages en position surélevée et des villages de bord du fleuve. Les
activités agricoles de crue et de décrue renseignent sur les valeurs
économiques qui sont perdues en cas d’inondation. Les relais médiatiques ne
sont pas des moyens d’intermédiation pour appeler au secours en milieu rural.
Et sur le plan politique aussi, la structuration de la représentativité
nationale confère peu de place et de voix au monde rural. Les statuts fonciers
sont inscrits dans des assiettes dont l’inventaire se heurte à des
conservatismes que les différentes réformes foncières ont du mal à affronter.
En cas de sinistre, les systèmes d’appuis gouvernementaux ou étatiques ne
réagissent que de manière urgente. Et le temps fait le reste, en attendant un
autre événement. C’est de cette manière que la continuité étatique s’est
manifestée dans la gestion des inondations, après la victoire des libéraux en
2000 jusqu’à la fin du règne en 2012 ;
Les victimes ou sinistrés
L’appellation
recouvre plusieurs aspects dont les plus singuliers concernent l’état
d’affectation des personnes en cas de sinistre. Toute une littérature a été forgée
autour de la question relative à la victimisation. Il n’existe pas une approche
homogène qui considère la situation de sinistre et décrète le statut de
sinistré. Mais, il y a une auto-appropriation notée et appréciée par les personnes
qui vivent la vulnérabilité en relation avec l’occurrence potentielle ou
effective. En effet, les résultats de nos études ont déjà montré dans les
appellations les victimes potentielles, les victimes réelles. Le flou est plus
entretenu par les statistiques qui ne sont pas normalisées. Certaines
incohérences sont relevées dans le dénombrement des familles victimes, des
concessions et du nombre. Le nombre est souvent individualisé. Il peut être
relativisé en concession ou famille. Le dénombrement est souvent fonction d’une
démarche justifiée. Depuis quelques années, des remontées sont effectuées par
les Chefs de quartier en relation avec les préfectures ou sous-préfectures. Et
l’orientation dépend fortement de la structure de l’offre et de la demande. En
effet, les renseignements fournis peuvent être fonction des attentes, notamment
de l’aide et de la prise en charge. La situation dans les camps de
« sinistrés » durant l’hivernage 2005 a montré que les victimes
étaient partagées entre les locataires et les propriétaires. Au moment de la
levée des camps de sinistrés, l’évocation de l’indemnisation a révélé des
stratagèmes de victimisation. Les victimes véritables qui vivent dans les zones
inondées ou inondables sont en situation de location auprès des propriétaires.
Il s’organise deux catégories de victimes. Les propriétaires des maisons
installées dans des sites à risque et leurs victimes : les locataires. En
2005, le déplacement des personnes victimes propriétaires de maisons inondées
vers le site de « recasement » appelé Jaxaay montrera la prouesse
imaginative des victimes qui ont posé la question de la victimisation. Qui est
victime ? Les indemnités reçues ont poussé certaines victimes en position
de locataire à occuper à nouveau des sites vulnérables et à continuer à garder
le statut de victimes potentielles. Certains propriétaires qui ne sont pas
déplacés sont allés réoccuper leur maison ou les confier en location. Des
stratégies qui doivent être étudiées de manière approfondie. Les explications
s’appuient sur les conditions de déplacement qui ont été posées après le
sinistre de 2005 dans la région de Dakar. Ce qui a poussé les victimes des
autres régions à réclamer, au nom d’une équité entre les citoyens d’un même
pays, un plan de « recasement ». Avant la mise en place du plan
Jaxaay, les victimes des autres régions ont toujours réclamé leur plan Orsec.
L’Etat, dans le cas du plan Jaxaay, a posé les jalons d’une utilisation de la
catastrophe à des fins politiciennes. Les victimes ont servi la cause
politique, notamment le différé des élections législatives et la mobilisation
des moyens qui suscitent jusqu’à présent un débat dans la thématique de la
gouvernance générale et surtout de la transparence. Des chiffres effarants sont
évoqués quant à la prise en charge des victimes. Des grincements de dents ont
été notés, au nom de l’égalité et de l’équité entre victimes dispersées à
travers le pays. Cette question, fortement calquée sur la structuration
administrative et politique du pays, ne manquera pas de s’inviter dans toutes
les démarches de réponse en situation de catastrophe, notamment celles
relatives aux inondations. Si en 1999 quelques faits de détournements ont été enregistrés
dans la distribution des vivres destinés aux sinistrés, notamment à Kaolack et
Vélingara, les années qui vont suivre sont en quelque sorte, des périodes
d’expérimentation de la mal gouvernance de la catastrophe. Les sommes qui sont
annoncées pour soutenir les sinistrés sont effarantes. Déjà les méthodes d’estimation
sont complètement en porte à faux avec
la réalité du terrain. On déplace à Dakar, on nourrit, on indemnise.
Alors qu’ailleurs et particulièrement en milieu rural, l’assistance est laissée
au voisinage en cas d’urgence. Il n’y a aucune organisation dans les démarches
de prise en charge. L’autorité est fissible dans une sorte de dilution par
amateurisme. Le ministère de la famille et de la solidarité s’est substitué au
ministère de l’intérieur dans ses attributions d’assistance en cas de sinistre.
L’année 2005 doit être burinée dans les tablettes historiques de l’assistance
sociale suivant une démarche politique inédite. Installés dans deux camps
(CICES et camp militaire de Yeumbeul, comme des refugiés environnementaux, les
sinistrés sont pris en charge (nourris aux frais du contribuable et
indemnisés). Ils seront lâchés sans avertissement. L’hameçon délesté De son
appât, le piège politicien s’est refermé sur les victimes des inondations de la
région de Dakar. Le plan Orsec est levé. Le terme consacré a été la « levée
des camps de sinistrés ». L’intermédiation du religieux maintien
l’hébergement. Des pécules sont distribués. Le rideau est baissé. On continue
le jeu de rôles par la mise en scène du plan Jaxaay qui devient par la suite le
fameux Programme de Construction des logements Sociaux et de Lutte contre les
Inondations en Banlieue (PCLSLIB) qui peine à
être achevé.
Victimes
|
Année
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
2010
|
2011
|
|
Dakar et banlieue
|
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|
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|
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25000 Familles
|
1062 Familles
|
|
27000 Familles
|
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|
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|
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Total National
|
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|
50300
|
200000
|
350000
|
|
|
|
500000
|
|
650000
|
|
Tableau
1 – Evaluation des victimes par recoupement de sources diverses (Plan Orsec,
etc.).
50 300
personnes sinistrées en 2003 et 200 000 personnes en 2004
-
Inond’Actions
-
Oxfam
-
Caritas
(Kaolack)
-
D’après
le PDNA (des experts internationaux nationaux ont évalué les besoins
post-catastrophe). Ils sont recrutés pour la plupart parmi les personnels des
structures qui ont financé l’étude (à hauteur de 2 milliards de francs CFA par
l’Union Européenne et la Banque Mondiale).
-
Banque
Mondiale
-
Global Fund for
Disaster Risk Reduction GFDRR
-
PNUD/BCPR
-
CEPALC
-
PNDL
-
Cities
Alliance
-
Commission
Européenne
-
OCHA
-
PAM
-
UNICEF
-
Pour le Gouvernement de la République du
Sénégal, le Ministère de l’Intérieur, à travers la Direction de la Protection
Civile (DPC), avec l’appui technique du Programme National de Développement
Local (PNDL), a coordonné la participation des équipes du Gouvernement. Ces
dernières, entièrement engagées dans l’évaluation sur le terrain et la
rédaction des rapports sectoriels, étaient composées de : (la SG des femmes leaders de Pikine en GRC),
le GNSP, le PCLSLIB/ Plan Jaxaay, le ME/ DEE, la Présidente des femmes leaders
de Guédiawaye, la Direction de l’Urbanisme, la DPIC/MSPM, DPC MINT, la DREEC,
le Ministère du Commerce, ARD-Dakar, HASSMAR, la Ville de Guédiawaye), la Direction
du Projet Autoroute APIX Sa., Service National de l'Hygiène, Service Départemental
du Commerce Pikine), le Médecin-chef du district Mbao), la Gendarmerie
Nationale, ANSD/ MEF, MUHCH/Plan Jaxaay, la DAT, le projet Habitat CDS/ONU, le
Projet Jaxaay/ MUHCH, le PCRPE, l’ONAS, la DPCE/SONES, le Service Départemental
du Commerce Guédiawaye.
-
L’équipe
de rédaction de l’évaluation conjointe a travaillé en étroite collaboration
avec ces partenaires.
-
Dans
les jours qui ont suivi le déclenchement du plan ORSEC, les premières
évaluations des dommages et des pertes ont été réalisées par la Croix Rouge
Internationale, le Programme Alimentaire Mondiale (PAM), les acteurs du
Plan ORSEC, notamment le Groupement National des Sapeurs-Pompiers (GNSP), le
Service Nationale d’Hygiène et les préfectures des départements de Pikine et
Guédiawaye. Ces évaluations initiales ont grandement contribué à l’élaboration
du présent rapport et l’équipe de rédaction tient à exprimer sa gratitude pour
le travail fourni.
-
L’étude
d’évaluation des besoins n’a pas intégré les acteurs les plus permanents que
l’on enregistre dans les zones inondées. Il s’agit particulièrement des
Associations de sinistrés et de victimes des inondations. Les mouvements
associatifs qui ont très présentes dans toutes les démarches de revendications
en vue de sortir la banlieue de Dakar des eaux des inondations. L’étude
financée par des bailleurs qui ont été, en prédominance dans leur système, les
experts. Cela montre la distanciation évoquée par ailleurs. Les études
proposées coûtent toujours chère. Les sommes injectées auraient mieux servi à
renforcer la faible intervention étatique et les formes de quémande relayées
par le téléthon et certains artistes. Le rapport ne propose pas les solutions
adéquates. Les solutions sont dans les
mesures d’anticipation et de réponse. Les Ongs locales n’ont pas été associées
à l’étude. Les autres acteurs (Mouvements religieux musulmans et la solidarité
islamique) ne figurent pas dans le listing déroulé en annexe. Les acteurs
individuels célèbres sont des artistes – La chanteuse Coumba Gawlo Seck, le
mannequin Fabienne Felhio accompagné du Comédien Kouthia. Les acteurs
politiques sont dans les autres associations d’intermédiation, mais ils ne font
pas partie des victimes.
La
catastrophe au cœur des questions de justice, d’équité et de démocratie
Jusqu’en
2010 postérieurement aux inondations de 2009, l’analyse des besoins
post-catastrophe l’a emporté sur la gestion anticipée (Rapport Gouvernement du
Sénégal 2010). Des catastrophes trop politiques – La responsabilisation est un
thème qui accompagne les inondations. Les manifestations primaires sont
dirigées contre les municipalités où des exactions ont été menées de manière
régulière. Ensuite, la violence a été toujours transférée vers les routes
principales.
Impacts
politiques des inondations. La perte de confiance politique n’a jamais été
intégrée dans l’évaluation des coûts et des pertes. L’électeur n’a plus
confiance à l’élu. Alors, par les élections régulièrement organisées, le mécontentement s’exprime de
plusieurs manières et, de ce point de vue, les formes de réactions ne sont pas
suffisamment évaluées.
L’inversion
de majorité semble être une appréciation possible. L’exploitation du
mécontentement à des fins politiques est aussi un fait. La manière dont les
situations sociales et politiques sont imbriquées reste difficilement
explicable. L’abstention des électeurs et le rejet des politiciens sont des faits
politiques qui ont été notés en 2009. Abdoulaye
Wade a été interdit de campagne électorale à Médina Gounass où son parti
politique remporte finalement les élections locales. Ni contradiction, ni
gageure, il émerge ici une réalité politique des majorités mobiles, déplacées à
partir des sites de recasement vers le
lieu d’implantation originelle où ils ont voté). Ces majorités politiques portent
le nom des cars de transport en commun (majorité Ndiaga Ndiaye ou car rapide est le terme consacré). Nulle part
ailleurs, partout à Pikine, à Guédiawaye le parti au pouvoir a été sévèrement
battu. La suite est plus complexe. Des découpages communaux suivent avec
délégation spéciale et érection de Jaxaay en commune. Immédiatement après les
élections locales de 2009, les passes d’armes sont épiques entre le pouvoir
gouvernemental et l’administration locale qui a remporté les élections
communales. La stratégie de sanction décisive des populations à la base ne
rencontre pas une réponse adéquate des autorités locales. Il s’agit de petites
communes qui n’ont pas les moyens et notamment ne sont même pas en mesure de
satisfaire les demandes minimales en cas d’inondation. Dans la région de Dakar,
le Président du Conseil Régional est monté au créneau pour respecter les
promesses de Benno Siggil Sénégal.
Mais les tentatives sont les mêmes, à l’aide de motopompes et de camions hydro-cureurs
et de camions citernes. Le Plan Orsec va prendre finalement le relais, sous la
pression de la rue et des politiques.
Deux mois après
les élections de mars 2009, l’ARD, consciente du manque de ressources financières
et, au vu de l’immensité de la tâche, face à une situation imprévisible et
particulièrement empreinte d’une possibilité de manifestation violente menées
par les victimes, elle tente d’élaborer une stratégie dite de renforcement des
capacités des collectivités locales (inédit 2011). Il faut rappeler que parmi
les thèmes de campagne figurait la lancinante question des inondations et que
le front gagnant qui est une association de partis politiques avait bien
élaboré un document intitulé « comment Wade a noyé 52 milliards dans les
eaux de la banlieue ». D’autres échanges houleux et contradictoires vont
accompagner la défaite du pouvoir central aux élections locales. Et ceux de
l’opposition inaugurent un test perdu d’avance, faute de ressources, de
programmes et de stratégies techniques.
L’estimation des
besoins du CRD-ARD est loin en dessous du chiffre auquel ont abouti les experts
de la Banque Mondiale en 2010. En termes de mécanisme de financement, la
structure en place compte solliciter les bailleurs et la Société civile en
élaborant des requêtes de financement pour une somme modique de 3 047 970 292
FCFA.
Types de besoins
|
Montant total en
FCFA TTC
|
Besoins en
motopompes
|
720 517 212
|
Besoins en tuyaux
|
1 217 940 000
|
Besoins en carburant
|
22 456 440
|
Besoins en matière
de curage de canaux et de vidange de bassins
|
807 550 000
|
Besoins sur le plan
sanitaire
|
208 635 000
|
Besoins en matière
d’hygiène
|
70 871 640
|
Total
|
3 047 970 292
|
Tableau : 2 - Budget de la
phase d’urgence de la stratégie, CRD-ARD, mai 2009, p.5.
Les
inondations politiques au Sénégal entre Arrogance et incompétence (CSE, India).
Devant
l’urgence, le lancement d’un téléthon est programmé. Son exécution ne rapportera
que 82 000 000 FCFA. Cette somme est finalement remise au Ministre des
Collectivités locales. En effet, devant l’ampleur de la catastrophe des
premières inondations de l’année 2009 en banlieue dakaroise et des efforts de
pompage des eaux, l’ARD dut jeter l’éponge et sollicita l’intervention de
l’Etat. Entre l’Etat et la majorité politique, une confusion de rôles semble
établie et pourtant ça n’est pas la même chose. Les acteurs politiques sont
tellement indexés en situation de catastrophe. L’eau est utilisée dans une
fonction cathartique au point de vue politique (purifier les démarches sociales
et les enrober d’éthique), en vue de demander aux politiques de respecter leur
engagement consistant à mettre fin aux phénomènes des inondations. Il s’établit
une crise aux relents éthiques, égalitaires et démocratiques.
Insuffisance
des réponses ajustées à la pauvreté
Faiblesse des textes
de loi et des codes additionnels
Parmi
les éléments d’inventaire microéconomique que, nombre d’études ou de références
ont omis d’évoquer, l’enseignement privé doit être inscrit au frontispice des
inconnues. L’enseignement arabe, au sein des écoles coraniques (daras) et des
mosquées ou ailleurs, n’est même pas signalé.
Certaines
infrastructures communautaires les plus affectées n’ont pas été évaluées. Il
s’agit particulièrement des mosquées, morgues ou cimetières. Qui connaît leur
coût, si leur rapport productif n’est pas dans l’ordre standard de mesure
macroéconomique ? Les systèmes communalistes qui, de longue date, ont été
organisés au sein des quartiers vont être bouleversés, voire démantelés dans
les zones affectées par le phénomène des inondations (associations, système de
mutuelles financières, associations culturelles et religieuses). Il s’y ajoute
les Associations Sportives et Culturelles (ASC).
Elles sont actives à la période des vacances scolaires où se déroulent les
inondations qui hypothèquent, pour de nombreuses raisons, (terrains inondés),
le déroulement de ces activités. Au plan culturel, ces activités qui entrent
dans le cursus social des jeunes, ne peuvent pas être évaluées. Financièrement,
les activités de vacances ne sont pas improductives. En 2010, les ASC ont
développé une stratégie de soutien inédite. Des contributions par ASC ont été
enregistrées depuis les ODCAV jusqu’au ONCAV (démembrements structurés). Des
actions d’intervention à forte valeur ajoutée ont été conduites sur le terrain
en vue de sortir les eaux des zones inondées. Il s’agit d’un exemple à méditer
et à ramener au vu de tous les acteurs politiques, sociaux et des partenaires
qui appuient le développement. La suspension des activités sportives de saison
pluvieuse hypothèque les stratégies de résorption de l’oisiveté, de la
délinquance et d’autres formes de déviance des jeunes.
Les affections cultuelles (sites de croyance
et d’adoration) et psychologiques (cellules d’appui psychologique et les
statistiques médicales d’accès très difficile) sont deux dimensions qui n’ont
été abordées de manières diffusées par les média de manière superficielle ou
bien rarement.
Il
y a seulement les coûts attachés aux investissements des habitats. La question
doit être reprise, bien posée et bien évaluée. L’abréviation réductrice autour
du manque de valeur en raison du critère foncier, de quartier irrégulier
(spontané ou flottant) pose toute la problématique des estimations officielles
menées par des spécialistes, suivant des formats standards, particulièrement
propres aux pays développés. La réalité des banlieues sénégalaises doit être
reprise dans les évaluations macroéconomiques, en termes historiques,
économiques, sociales et politiques. La notion de sites ou quartiers irréguliers
doit être ramenée en surface d’un débat profond. En effet, un Etat organisé ne
doit pas utiliser cette appellation, loin s’en faut, ou s’en référer pour
avouer son incompétence à conférer un statut juridique foncier à la terre ou à
un habitat pour des propriétaires, des communautés. Ce qui fonde même une perte
pour le recouvrement d’une taxe, d’un impôt qui aurait pu servir à une action
de développement. Cette appréciation, au plus haut niveau, confère un statut
marginal organisé, en réalité, par la mise en texte juridique discriminatoire.
Dans le cas des villages rattrapés par les villes et, portés au statut de communes
par d’autres textes de la décentralisation, une adaptation des textes pourrait
ne pas passer par une désorganisation ou un désordre appelé restructuration. Alors,
qu’aucune structuration n’a jamais été opérée. La situation d’inondation pose d’autres
questions qui participent de la complexité de cette catastrophe nationale.
En
effet, les activités menées par les différents groupes sociaux doivent être
revues au regard de la mesure de la perte. Il n’est pas question de
métrologie ‘’macroéconomique’’ opposée à une microéconomie qui fondent le Pib.
Les nuisances qui peuvent être évoquées comme facteurs de réduction du
bien-être comprenant, entre autres nuisances, l’absence de sommeil. Il est
intéressant de réfléchir sur ce que fait
la Croix rouge dans les pays riches en cas d’alerte précoce avec les
réservations de chambre d’hôtel pour les victimes potentielles. Alors que
depuis l’indépendance du Sénégal, la Croix Rouge a toujours procédé en
distribuant des secours d’urgence comprenant entre autres, des couvertures, des
nattes, du savon, de l’eau de javel, etc. L’aide est souvent fonction du niveau
de richesse. C’est dans la pauvreté que l’on mesure l’inégalité dans l’aide
apportée par les organisations d’appui au développement. Elles appuient le
développement de la pauvreté.
Par
ailleurs, une psychométrie de rôle du risque peut être notée dans les
comportements d’éducation et de surveillance des enfants qui vivent dans des
prisons de « zones amphibies » toujours surveillées en zone inondées.
Les parents ne sont jamais rassurés de l’absence des enfants, des jeux auxquels
ils se consacrent. On les enferme dans les cours des maisons ou dans les
chambres lorsqu’on doit s’absenter pour éviter les accidents notamment les
noyades. Les familles ont peur. Elles doutent, perdent espoir, surtout de la
perspective des lendemains incertains, lorsqu’il pleut la nuit.
Les
pertes en vie humaine figurent parmi les statistiques les plus abrégées. Certains
rapports les évoquent de manière tellement désinvolte que le rappel est parfois
banal, seulement numérique. On peut dire que ces pertes relèvent des accidents
physiques naturels. On ne connaît pas le nombre de victimes directes et
indirectes. Les accidents sont rangés dans le registre des incidents.
L’histoire de M. Ndao au camp de Thiaroye a été accompagnée d’épisodes
sans fin entre 2005 et 2011.
Les
maladies fortement attachées à la catastrophe ne sont connues que dans la
chaîne des épidémies (choléra, conjonctivite, paludisme). Déployée en 2005, la
Cellule d’appui psychologique du Ministère de la santé n’a pas été active les
années suivantes. Pourtant les statistiques relatives aux affections psychologiques
ne semblent pas être privilégiées dans les démarches d’assistance. L’arrêt de
l’intervention de cette cellule est démonstratif de la banalisation de la
situation de catastrophe et de ses nombreux impacts aux plans sanitaire et
vital. C’est comme si les situations de stress, de traumatisme psychologique, appartenaient
au Sénégal à une culture de banalisation du risque. En fait, vivre avec les
inondations, au vu d’une situation du risque banalisé, apparaît comme une sorte
d’adaptation fortement liée à la pauvreté.
Certaines
maladies qui ont des conséquences et des séquelles inadmissibles ne sont même
pas recensées le plus souvent par certaines organisations qui sont actives sur
le terrain. Dans les statistiques qui évaluent les pertes, on doit
ajouter : le coût de la prévention : loin des insecticides - il
s’agit des matériaux de
construction et de bricolage collectés souvent durant 6 à 9 mois d’épargne
(sable, produits de démolition, ciment, Nossiter 200 ?). Ensuite, s’y
ajoute le coût des soins et des médicaments, etc.). Il faut dissocier, dans ce
cas les maladies, du mal-être. Ce dernier concept n’a pas besoin d’être
théorisé. Il est apprécié sur le terrain par les populations :
accessibilité, odeurs, bruits avec croassement des grenouilles, la hantise des
reptiles, des eaux de pluies, des eaux drainées des autres quartiers et des
fosses septiques, des remontées capillaires, du manque d’eau courante –
l’alimentation peut être coupée par le service de la SDE pour inaccessibilité et les fuites indécelables en raison des
eaux qui stagnent. Il faut y ajouter l’obscurité dans le contexte des coupures
d’électricité. Certaines coupures d’électricité sont dites de sécurisation.
Elles consistent à isoler les zones inondées en les installant dans l’obscurité
pour éviter les risques d’électrocution et, l’inaccessibilité aussi, pour la
relève des compteurs d’électricité. L’inaccessibilité du fait qu’il faut
patauger pour arriver au site d’habitation et, qui offusque vis-à-vis des
voisins, des parents. Cette situation, à elle seule peut représenter une
contrainte de distanciation, d’isolement, de marginalisation et d’égo personnel
dont l’analyse peut être revue par les anthropologues et sociologues (Wone
1999).
En
2010, c’est l’année qui suit la défaite du pouvoir libéral aux élections
locales. La banlieue de Dakar, zone d’enjeu électoral pour son bassin
démographique dans le total du fichier des électeurs potentiel, préoccupe le
gouvernement libéral. C’est cette année même que le Premier Ministre propose de
déplacer les victimes des inondations, d’abord à Diamniadio, ensuite à
Tivaouane Peul (revoir les maisons-témoins préfabriquées, parpaings et enduit
en chape lisse et peinture bleue aux couleurs du PDS). Ce programme est un
mort-né. En effet, les retrouvailles sur le terrain conduisent à un dialogue de
sourds et l’évocation des responsabilités et de la responsabilisation oppose
les victimes au Chef du gouvernement. Finalement le site-test restera en l’état
et à l’Etat. Les pluies ne confineront les populations que dans la détresse.
Durant toute la saison des pluies 2011, les populations victimes des
inondations, dans la région de Dakar, ont continué à réclamer un autre plan
Jaxaay, alors que le premier est toujours en cours de réalisation dans une
confusion terrible. Dans les autres régions du pays, les victimes des années
précédentes et celles de l’année 2010 aussi ont demandé une décentralisation du
plan Jaxaay.
En 2011, les
démarches du gouvernement sont singulières. En effet, le Premier ministre
visite les localités régionales et les communes d’arrondissement de la banlieue
de Dakar de manière sélective. Il s’adresse aux comités locaux de lutte contre
les inondations. Il distribue aussi des enveloppes de 10 000 000 Fcfa. Les
actions qui doivent être menées sont les mêmes ‘’écrêtage des bassins, fourniture
de tuyauterie, de motopompes et de carburant. Les autorités gouvernementales
parlent de déversoirs et d’interconnexion des systèmes de drainage en vue de
constituer deux grands systèmes avec les lacs Youi et Warouaye. On ne veut plus
déplacer les populations à qui on s’adresse suivant une forme de distanciation
et d’intermédiation politiques. Les maires du Front Benno Siggil Sénégal et ceux du Parti au pouvoir (PDS) ne
sont pas logés à la même enseigne. Les populations ont un seul slogan, durant
l’année 2011. Elles ne réclament plus de motopompes, mais la canalisation seule
les intéresse. Et c’est cette année que le ministre de l’hydraulique chargé de
l’assainissement a, le plus minimisé les impacts des inondations. Le travail de
prévention a utilisé une stratégie de canalisation à l’aide des buses qui ont
été prélevés de la zone de Thiaroye où le forage a été mis aux arrêts (photo).
Le PAQPUD et les autres programmes d’assainissement sont incriminés quant aux
rejets domestiques qui ont rehaussé le niveau de la nappe en association avec
les infiltrations des eaux de pluie. Alors qu’une théorie qui a fortement prospéré
continue de demander le pompage de la nappe qui pourrait soulager des quartiers
qui sont victimes des remontées de la nappe. Avec l’exécution du drainage
anticipé sous la canalisation vétuste, une petite réussite a été obtenue quand
elle a été renforcée en appoint par des motopompes. L’interconnexion des
différents systèmes de drainage jusqu’aux deux lacs a soulagé quelques quartiers.
Mais le lotissement des HLM de Keur Massar semble avoir fortement souffert des
inondations des trois dernières années de fin de règne du régime libéral.
Le 22 juin 2011,
à la veille des joutes épiques à l’Assemblée Nationale (projet de loi
instituant le ticket Président – Vice-Président et le ¼ bloquant), tous les
maires des communes d’arrondissement de la région de Dakar sont réunies en
journée de réflexion sous la Présidence de M. El Hadj Malick Gakou, Président
du Conseil Régional de Dakar. Le thème portait sur la Stratégie de renforcement
des capacités des Collectivités locales de la région de Dakar face aux
inondations. Une visite de sites est prévue. Cette réunion sera complétement
perturbée par les grenades lacrymogènes qui tonnent à deux pas. Après le
déjeuner, la rencontre au Centre Daniel Brothier modifie tout le calendrier des
attentes et la suite des événements. Cet aspect explique la prégnance des
préoccupations politiciennes sur toute tentative de trouver une solution
durable aux inondations qui apparaissent en épiphénomènes aux yeux des
professionnels de la politique tous bords confondus.
Questions
de perte et de pauvreté économique
Tout
dépend de celui qui estime les pertes. L’Etat, la Banque Mondiale, les Ongs,
les victimes. Qui perd ? Et qu’est-ce qui est perdu ?
Beaucoup
tentent une incursion dans le soutien aux victimes. La plupart opère une entrée
éphémère. La Croix Rouge semble être la plus permanente
Liste
des Ongs identifiées et ayant marqué de leur sceau une présence auprès des victimes
ou des autres acteurs. Lorsqu’on s’arrête sur les sites abandonnés, on se rend
compte du nouveau de pauvreté quant à la reconversion. D’autres occupants
reviennent après quelques mois en situation de locataires. Des teinturiers qui
recyclent l’eau des inondations en vue de mener une activité qui rapportent de
faibles revenus utilisent l’eau en volume rejeté très important en s’installant
dans les sites inondés. Les autres squatteurs sont dans la catégorie sociale
marginale et ceux qui attendent la baisse des niveaux pour occuper une courte
période des sites insalubres à moindre frais.
Solutions
durables en questions politiques : l’exemple du plan Jaxaay, une solution
improvisée aux impacts rédhibitoires
L’annonce d’une
réponse politique visant à déplacer les victimes des inondations a été
fortement relayée durant l’hivernage 2005. Au cours de cette saison les
victimes des inondations de la banlieue de Dakar sont hébergés dans des écoles,
au camp militaire de Thiaroye et au Cices ou Foire de Dakar sous des tentes
avec l’appui logistique de l’armée nationale. Comme une réaction, suite à une
forte médiatisation de ses conseillers, le Président de la République décide de
prendre en charge les victimes des inondations. Il décide de les déplacer et de
les loger dans une cité moderne. Le programme est ambitieux, irréalisable. Il
ne mesure pas l’urgence et la complexité de la structure de la demande ou des
victimes et de la victimisation (cf. supra).
Le site est
trouvé auprès d’un programme la SN-HLM qui cède environ une centaine d’hectares
à l’Etat du Sénégal. Il s’agit d’extraire de son projet de 13000 parcelles les
3000 qui seront affectées en vue d’y transférer les victimes de différents
quartiers de certaines communes d’arrondissements de la banlieue de Dakar. Une
Agence Nationale de Lutte contre les Inondations et les Bidonvilles (ANLIB) est
vite portée sur les fonts baptismaux, des fonds de solidarité et d’urgence sont
agités pour répondre aux calamités. Cette agence sera remplacée par le PCLSLIB
/ Plan Jaxaay). Deux réponses politiques et sociales sont imbriquées. Pour
l’Etat, l’ambition est de reporter des élections aux enjeux indéterminés (les législatives
doivent être couplées avec les élections présidentielles dans un contexte
politique très tendu qui suscite un débat de la thématique couplée et
découplée, couplage, etc.). La deuxième stratégie de réponse qui semble moins
évidente est de réaliser des économies financières pour assister les
concitoyens affectées par les inondations et cela uniquement dans la banlieue
de Dakar. Une prorogation du mandat de la législature de l’époque aura intégré
l’échelle des coûts politiques pour une fausse réussite de l’assistance
sociale. De tout temps les ressorts de l’assistance d’urgence sont accrochés
aux piliers sociaux du voisinage, des associations, des autres mouvements qui
composent le réseau de solidarité qui interviennent en cas de sinistre au nom
de l’éthique (Loum 2011).
L’Etat compte
ériger une cité de 3000 parcelles qui ont chacune une superficie d’environ
50m². La recopie des bidonvilles ressemble à une sorte de production par
incrémentation, car les densités d’occupation qui risquent d’être obtenues à
terme sont inédites avec 210 habitants à l’hectare en moyenne ou 22 personnes
par maison de 50m². Il s’agit en effet, de mettre en place un habitat planifié
qui reprend les mêmes faiblesses notées dans les zones inondées en organisant
uniquement le découpage parcellaire de manière régulière par rapport à une
certaine voierie. L’absence de réseau d’évacuation des eaux usées et des eaux
pluviales illustre parfaitement cette insuffisance.
Période
d’attribution
|
Nombre de logements
attribués
|
Population estimée
|
Août 2006
|
315
|
3465
|
2007
|
677
|
7447
|
2008
|
1325
|
14575
|
2009
|
1793
|
19723
|
Juillet 2010
|
1917
|
21087
|
Septembre 2010
|
1952
|
|
Source :
Etat des attributions en 2010, PCLSLIB/Jaxaay.
L’absence de
réseau d’évacuation des eaux usées et des eaux pluviales a posé de sérieuses
difficultés aux populations. L’habitat devient un système de collecte des eaux,
alors que l’infiltration au niveau des formations sableuses de ce site a été
modifiée, le système de drainage a été également perturbé par les terrassements
menés à la va-vite devant l’urgence. Il s’y ajoute la coalescence des eaux
collectées par la nouvelle forme d’occupation spatiale. En effet, elle entraîne
une stagnation et, comme une ironie de l’histoire, la cité Jaxaay a manifesté
ses premières peur d’inondation en 2010 et 2011 avec l’inaccessibilité qui l’a
confinée dans la commune d’arrondissement de Sangalkam faute de route aménagée.
Seule une piste latéritique permet d’y accéder. Le problème est déplacé. Jaxaay
ne semble pas être une bonne solution, mais un problème créé comme réponse
improvisée et qui aura coûté cher à l’Etat du Sénégal. En effet, l’exemple du
Plan Jaxaay apparaît comme une désillusion sociale qui emporte les victimes
logées et celles qui sont en attente d’être déplacées. La réalisation est
inachevée et la demande populaire est de plus en plus forte. Les victimes, en
attendant, l’Etat, entrent dans un
dilemme expectatif. Et l’Etat attend la catastrophe. Pourquoi attendre la
survenue de la catastrophe ? Tout le mal est là. Un statut zonal est
conféré aux victimes potentielles. Elles vivent dans les zones inondables. Les
victimes permanentes vivent dans les zones inondées en permanence. Les victimes
virtuelles vivent la menace d’être inondée dans des zones dites inondables. Il
y a toute une littérature de la victimisation. La lecture a été souvent faite à
travers la construction des concepts attachés à la catastrophe et au sinistre
qui en découle ou qui pourrait en résulter. Attendre l’Etat : les victimes
n’attendent plus rien de l’Etat. Les victimes officielles sont indexées par
l’Etat. Les autres sont celles qui suivent l’organisation et la hiérarchisation
territoriale en appartenant aux autres régions, autres collectivités locales.
Il y a lieu d’y ajouter les victimes des victimes – ou les politiciens pris au
piège de l’alerte et les administrations territoriales sollicitées en cas d’urgence.
Conclusion
Les inondations
saisonnières ont occupé le champ des politiques gouvernementales durant les
douze années du régime libéral avec une intensité de manifestations et de
réponses variables en fonction des phases d’euphorie ou de fin de règne. Au
moment où se manifestaient les inondations récentes, les sites conquis par les
citadins d’une catégorie singulière (déplacés, déguerpis urbains, migrants
ruraux) n’offrent pas une garantie de gîtes durables. L’hypothèque foncière est
partout enregistrée dans le prolongement des villes du Sénégal. Une
civilisation nouvelle de la banlieue a émergé suite à l’attrait mirifique qui
est loin de refléter une solution à la crise économique et à la tension qui a
comprimé les ressources tirées du secteur moderne. La stratégie d’occupation
spatiale est opérée à partir de quartiers en grappes. Ils s’agglutinent aux
villages urbains (Thiaroye, Yeumbeul, Pikine irrégulier, Malika) qui ont des
statuts dits traditionnels.
Les apports
hydrologiques sont influencés par le contexte climatique qui se rapproche d’un
retour de la moyenne des précipitations connues. Ces dernières entraînent
surtout en milieu urbain des stagnations qui reconfigurent dans certains cas le
système de drainage ancien qui finit de produire le drame des inondations. En
milieu rural, les catastrophes dues aux inondations sont souvent plus
dramatiques que celles enregistrées en zone urbaine. En effet, en affectant
l’habitat et les cultures, les eaux qui affectent les ruraux en surplus
hypothèquent de manière exacerbée lorsque les systèmes d’assistance formalisés
exclusivement ou particulièrement au milieu urbain, empêchent la prise en
charge. En effet, au-delà de la dichotomisation urbaine-rurale, la catastrophe
des inondations révèle les inégalités environnementales symboliques d’autres
inégalités sociales. La catastrophe a son répondant politique qui est tellement
profond qu’il apparaît comme un démembrement de l’activisme politique. Par
l’appel au secours, les victimes des inondations ont tenté des solutions
individuelles (associations des victimes, des sinistrés, appui des Ongs, etc.).
Elles ont aussi initié des solutions communautaires et communalistes, mais les
tentatives inédites de sollicitude recoupent des formes souvent violentes qui
ont pris parfois des allures d’exaction et auxquelles il faut attacher une
grande attention. Dans tous les cas, les politiques ont plus réagi qu’elles
n’ont répondu de manière organisée. En essayant de s’appuyer parfois sur des
textes de lois vides (la Constitution ne fait cas que par des généralités qui
adressent la catastrophe, les additifs
que sont les codes ne peuvent pas soutenir les initiatives. Le cas de la
démarche du pseudo programme appelé « Jaxaay » illustre le tâtonnement,
l’improvisation l’utilisation de la catastrophe et de ses victimes à des fins
politiciennes indéniables. L’ordonnancement des textes et des entités foncières
participe des faiblesses qui contraignent la mise en œuvre d’actions en vue
d’obtenir un réseau d’assainissement national. Du point de vue technique la
déclamation des déclarations de politique générale ouvre la boîte de pandore.
Que des insuffisances attachées certes aux textes, mais surtout aux démarches
de financement. Elles commencent par des études qui évoquent des besoins
post-catastrophe. Elles doivent être remplacées par des besoins d’anticipation et de réponses en vue de produire des
solutions durables. Les inondations peuvent être autant des questions
politiques et de politiques qui convoquent tous les acteurs de développement,
notamment les bailleurs qui se préoccupent de la pauvreté, de l’éducation et de
nombreux autres aspects socioéconomiques. Les bilans qui insistent sur les
équilibres macroéconomiques passent complètement à côté des solutions désirées.
L’utilisation de la catastrophe, par la victimisation soulève d’autres
interrogations qui ramènent l’égalité entre citoyens, l’éthique et la
démocratie en cas de catastrophe (Loum 2011). Les aires de régularisation
foncière officielles sont opposées aux sites dits irréguliers, sites
insalubres, sites inondables et finalement inondées. L’Etat structure la
catastrophe et les victimes, pour finalement forger des appellations qui renseignent
sur les niveaux économiques (Etat, Citoyen) complètement déséquilibrés et
déstructurés. Certains bailleurs ne sont préoccupés que par les équilibres
macroéconomiques et ont une vision déformée du sinistre à l’échelle des
composantes sociales démunies. Ce qui cache la réalité du bilan en termes de
coûts et pertes faibles en ce sens que
certaines infrastructures financées ne sont pas concernées. Alors que le détail
des pertes frise la sinistrose par des processus d’accumulation année après
année. Par les eaux des inondations sont révélés les niveaux d’incompétence et
de faiblesse de la protection et de la défense civile par l’Etat. C’est un
fait. La profondeur des stigmates n’est pas bien connue. Les coûts et les
pertes restent à être mieux théorisés, étudiés en vue d’assister les victimes
des inondations. Ces dernières ont développé de tout temps une adaptabilité qui
a fini de montrer les stratégies d’ingéniosité situationniste. Les actions ont
souvent inspiré l’Etat dans ses réponses de bricolage. Et aujourd’hui, la
situation est au point mort. Les victimes attendent toujours l’Etat dans une
désillusion sociale, mais au fond, elles n’espèrent rien.
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